Quand un camion oublié coûte 737 400 €

  • Répondre à un marché public de manière optimale et efficace
  • 05 Août 2025
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Un simple oubli dans un appel d’offres peut coûter près de trois quarts de million d’euros à une collectivité. C’est exactement ce qui est arrivé à la métropole Toulon-Provence-Méditerranée dans un marché pour la fourniture et le renouvellement des biofiltres de sa station d’épuration. Ce billet souligne la nécessité pour les entreprises candidates de rester attentive à propos des décisions des collectivités locales quant au choix du titulaire d'un marché public.

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La métropole Toulon-Provence-Méditerranée a lancé une consultation pour la conclusion d'un marché public, selon une procédure adaptée, pour la fourniture et le renouvellement du matériau filtrant des biofiltres de la station d'épuration Amphitria, à La Seyne-sur-Mer. Oui, on parle bien de gravier qui filtre vos eaux usées. Glamour garanti.

 

Selon l'article 6.1 du règlement de la consultation, chaque candidat devait fournir un "mémoire justificatif" détaillant, de manière individualisée, "les moyens humains et matériels que le prestataire s'engage à affecter à la préparation et à l'exécution des travaux"

 

Or, l’entreprise gagnante a, dans son mémoire technique, décrit ses matériels de façon générale et non limitative sans préciser ceux qui devaient être spécifiquement affectés au chantier. De plus, elle n’a pas indiqué les moyens matériels affectés au système de pompage et de remplissage.

 

En d'autres termes, elle a cru qu’une liste générale de matériels suffirait : « 3 bennes, 1 camion et 1 chariot élévateur ». Pas un mot sur quel camion allait où, ni sur les équipements de pompage et de remplissage. Comme si on disait à un chef de cuisine : « j’ai des casseroles, vous débrouillez-vous pour la recette. »

 

Et pourtant, cette offre a été retenue. Logique ? Pas vraiment.

 

La société Quadrimex Chemical, candidate évincée, a décidé de réagir. Elle a donc demandé réparation pour le temps passé à préparer son dossier et le manque à gagner.

 

Le tribunal administratif de Toulon a donné raison à Quadrimex et condamné la métropole à 215 500 euros, assortie des intérêts.

 

La métropole Toulon-Provence-Méditerranée ne souhaitant pas verser une telle somme, estimant qu’elle n’avait pas commis d’erreur dans la sélection des offres, a interjeté appel près la cour administrative d'appel de Marseille et demandant l’annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille.

 

La cour administrative d’appel de Marseille, le 3 avril 2023, n’a pas été convaincue :

  • rejet de l’appel de la métropole
  • et ordre d’expertise pour calculer le préjudice de Quadrimex.

 

La métropole Toulon-Provence-Méditerranée a tenté le pourvoi en cassation… et là encore, échec.

 

Le Conseil d’État a rappelé la règle d’or : le règlement, c’est sacré. Il souligne que "le règlement de la consultation prévu par un pouvoir adjudicateur pour la passation d'un marché est obligatoire dans toutes ses mentions. Le pouvoir adjudicateur ne peut, dès lors, attribuer ce marché à un candidat qui ne respecte pas une des exigences imposées par ce règlement, sauf si cette exigence se révèle manifestement dépourvue de toute utilité pour l'examen des offres".

 

Le Conseil d'Etat explicite le principe suivant : Pas de détail, pas de marché. Et, oui, même un petit détail de matériel de pompage qui aurait pu sembler anodin peut coûter cher.

 

Le Conseil d’Etat considère que l'offre retenue ne souffrait pas d'une simple imprécision mais ne répondait pas complètement aux exigences du règlement de la consultation. L’entreprise avait donné une réponse, mais pas parfaitement détaillée. De plus, n’ayant rien indiqué sur le matériel qu’elle aurait utilisé pour le pompage. Partant, elle n’a pas du tout respecté ce qui était demandé. Son offre aurait dû, par conséquent, être écartée comme irrégulière

 

En résumé : l’offre retenue n’était pas juste floue, elle était carrément incomplète.

 

Après expertise, la note finale est salée : 737 400 euros.

 

C'est le montant de la condamnation de la Métropole Toulon-Provence-Méditerranée, qu'a fixé la Cour administrative d'appel, en 2025.

 

Oui, vous avez bien lu. Pour quelques camions mal détaillés et des pompes oubliées. L'erreur de la Métropole Toulon-Provence-Méditerranée permet au candidat évincé, la société Quadrimex Chemical, de compenser le temps passé à préparer son dossier et le manque à gagner.

 

Chères entreprises,

Lorsque vous recevez une lettre de rejet, demander le motif du rejet. Cela peut vous rapporter gros comme le démontre cette décision de justice. 

 

Chers acheteurs,

Dans les marchés publics, comme dans la vie, le diable est dans les détails. Et si vous pensez que "ça passera" rappelez-vous de ce marché de gravier filtrant qui a coûté à la métropole près de trois quarts de million d’euros… tout ça parce que la collectivité a sélectionné une entreprise dont le contenu du mémoire technique était imprécis voire incomplet.

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Pour lire l'arrêt concerné : Conseil d’Etat, 7ème chambre, 18 octobre 2024, société Quadrimex Chemical, n°474772

Au Bureau des Bourdes, on apprend des erreurs.

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Voici quelques articles pour les éviter...

Comprendre les critères de sélection des offres

Les points indispensables à ne pas rater dans un règlement de la consultation

Comment demander les motifs du rejet à une collectivité locale

Et nos formations, pour devenir expert en réponse aux appels d'offres...

Rédiger un mémoire technique

Ce qu'ils en pensent...

"Grâce à cette formation, j'ai amélioré mon classement, en passant de 3ème à second d'abord. Et puis, j'ai fini par remporter des appels d'offres."

Bertrand Z., Architecte paysagiste